Une chasse aux sorcières dans la prévôté d’Arches en 1624


Présentation

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Géographie

Les procédures éditées portent sur L’Etraye ou Estraye dans les Vosges et divers lieux des environs. Ce hameau est dans la commune actuelle de Ramonchamp dans le canton du Thillot1. Les villages sont dépendants de la prévôté d’Arches, dont les officiers sont installés dans le château dominant le bourg du même nom2 ou sinon à Remiremont3. La prévôté relève du bailliage de Vosge dont le siège est à Mirecourt4. Il est question aussi de Morbieu ou Morbieux ou Mortbieu qui est un mont et un col au nord de Ramonchamp et de L’Estraye Ce nom évoque Morbleu, déformation de morbleu. Enoncé euphémique pour « la mort de Dieu ».

Chronologie

Les affaires de sorcellerie sont les plus nombreuses en Lorraine entre 1570-80 et 1620-30 avec quelque différence selon les territoires. À Saint-Dié et Bruyères par exemple, à partir de 1591, il n’y a qu’une seule année sans procès (en 1621). À Arches en 1624 on approche de la fin des procès qui s’explique par une raison interne – un contrôle plus attentif des procédures par les autorités supérieures qui craignent les emballements et que n’importe qui puisse être atteint par une accusation – et une raison externe beaucoup plus déterminante qui est la guerre et la désolation dans les années 1630. Malgré la présence des Suédois et des autres, malgré la guerre, les massacres, les pillages, la famine et la maladie, a-t-on continué à s’en prendre à des sorciers et à des sorcières ? Faute d’archives on n’a plus aucune idée de ce qui se passe sur le plan judiciaire. Il semble que la justice a pu fonctionner irrégulièrement mais sans plus rendre compte aux autorités supérieures, à Nancy ou à Metz – durant l’occupation française – or c’est à ce niveau que les documents étaient conservés et non au niveau local. Parmi trois hypothèses – on a massacré sans procès des sorcières, on a continué à faire localement des procès à des sorcières ou on n’a plus fait du tout de procès à des sorcières – il est impossible de trancher.

Dans la prévôté d’Arches ont été jugées et pour la plupart exécutées 40 ou 42 personnes en une cinquantaine d’années, dont quatre ou six prévenus en 1581, six en 1585, etc. Les derniers cas sont en 1629 trois femmes accusées mais toutes renvoyées sans condamnation5. Les procès de 1624 pourraient donc être le dernier emballement judiciaire connu, la dernière « chasse aux sorcières ».

À cette date tardive on remarque aussi que les échanges entre les populations rurales et les gens de justice ont fini par christianiser les démons dont les gens parlaient spontanément comme des espèces de mauvais morts, des esprits, lesquels sont désormais assimilés au diable. Ils ont fini aussi par intellectualiser le concept de sorcellerie, rapprochant le discours des prévenus et des déposants des écrits des démonologues qui définissent la sorcellerie savante. D’où les descriptions très satisfaisantes du sabbat, pour un prévôt qui cherche à faire correspondre les mots des gens du commun avec les attentes des démonologues.

Sources

Pour la plupart, les procès sont seulement connus par des mentions d’ordre comptable. Ne subsistent que deux gros procès en 1594 et 1598, puis les procès faits aux deux femmes Hocquart en 1617 et enfin les procès que nous publions ici. Certains manques sont particulièrement regrettables, comme les procès de 1607 faits à des parents de l’une des accusées de 1624. Matériellement, nos procès sont dans la cote B2583 où une liasse « A » rassemble la plupart des actes judiciaires, dont plusieurs portent sur d’autres délits et crimes que la sorcellerie. Les actes des procès de sorcellerie que nous rassemblés sont dispersés dans des « pièces » avec d’autres documents sans rapport. L’ensemble est confus. Nous l’avons ordonné en rapprochant chacun des éléments d’une même procédure, alors que ces éléments se trouvent parfois sur des feuilles différentes et sont mêlés à un autre procès. Personne avant nous, n’avait mis de l’ordre dans ce vrac judiciaire.

Procés et accusés

Nous avons distingué et reconstitué six procès, un septième est manquant, un huitième a peut-être été fait ou il a tourné court et un neuvième personnage pose problème.

Les six procès complets ont été faits successivement à Chrétienne Parmentier (1er procès), Remière Clément (2e), Mougeotte Colombain et son fils le petit Jean (3e), George Parmentier (5e), Royne des Tertres (6e) et Jean Brice (7e).

Le 4e procès fait à Mougeotte Bourgman est connu seulement par deux actes.

Magdelaine Regnard, de Remiremont, est une tante dénoncée par Chrétienne Parmentier, mais nous ne savons pas si elle a été ou non inquiétée (8e ?). Chrétienne Parmentier « soutient » une accusation contre elle et contre deux autres personnes jusqu’à son exécution. Mais les réquisitions du procureur général ordonnent seulement d’informer contre les deux autres. Le cas de Magdelaine Regnard a donc été réglé par la justice de Remiremont. Mais si les accusations avaient pris de l’importance, Magdelaine aurait sans doute été ramenée devant le prévôt d’Arches, ce qui n’a pas été le cas.

Nous avons reconstitué et numéroté chacun des procès : (1) Chétienne Parmentier, (2) Remière Clément, (3) Mougeotte Colombain et son fils Jean, etc. jusqu’à (7) Jean Brice et (8) Documents financiers. Les actes de procédure sont également numérotés, par exemple : (2-2) information contre Remière Clément (2-3) interrogatoire de Remière Clément ou encore (3-9) conclusions du procureur contre Mougeotte Colombain.

Reste le cas assez peu compréhensible du mari de Mougeotte Colombain. Au début de la procédure contre elle, est évoqué « le bruict commung qui court que une nommée Mengeotte fe[mm]e de Nicolas Colombain de L’Estraye » qui est « grandem[ent] subspecte, craincte et redoubtée d’un chacun » pour le crime de sorcellerie mais son mari n’est pas explicitement impliqué (pc. 11 f°1r.). Or l’accusation contre elle repose beaucoup sur son propre fils, le petit Jean, lequel implique plusieurs fois dans ses accusations son père, le mari de Mougeotte. Mais aucune accusation ne sera développée contre lui. Comment l’expliquer ? D’une part, les 31 déposants adultes sollicités contre la mère et épouse ne disent rien du mari qui n’est accusé que par trois enfants : son propre fils, Claudon âgé de 11 ans, 23e déposant mais pas témoin car trop jeune, et Mougeotte âgée de 13 ans, 26e déposante (pc. 12). D’autre part, les gens de justice ont choisi de ne pas pousser de ce côté. L’épouse, Mougeotte Colombain, est interrogée sur lui : « Si elle y a pas esté [au sabbat] avec son marit, y ayant mené son fils Jean et trois de ses filles ? » (pc. 13 f°1r.). Mais elle dénie la présence de son mari, comme elle dénie aussi la dénonciation du petit Jean « q[ue] quand ilz ont besoing d’argent [Nicolas Colombain] en va quérir sur un noir cheval qui n’a point de poil, ayant des grandes aureilles, dans une rochatte ; qu’un grand ho[mm]e noire luy en donnoit autant qu’ilz en avoient de besoing ». Encore le 12 août, Jean dit avoir été conduit au sabbat « avec son père et ses soeurs » (pc. 15 f°1r.). Mougeotte Colombain confesse à un moment la présence de ses enfants au sabbat, mais ne dit pas que son mari y était. Le moment le plus périlleux est sans doute le 9 septembre, lorsque le petit Jean est récolé à sa déposition et confronté à des accusés mais aussi à son père, lequel n’est pourtant toujours pas accusé : « en sa p[rése]nce led[i]t Jean, enquis s’il le cognoissoit et s’il l’avoit veu au sabat, a fait responce q[ue] c’estoit son père et qu’il avoit esté au sabat à Morbieu ; et p[ar] led[i]t Nicolas qu’il n’avoit dit la vérité » (pc. 20 f°1r.). Enfin, sous la torture et proche d’être mise à mort, Mougeotte Colombain ne dénonce plus personne, sinon son fils Jean (pc. 16 f°1v.).

Une chasse aux sorcières

Cet ensemble de procédures constitue une « chasse aux sorcières » selon l’expression consacrée mais inexacte quant au féminin, puisqu’il y a toujours environ un cinquième d’hommes dans les ensembles de procès. D’ailleurs, dans notre édition de source, il y a cinq femmes accusées dont deux sont condamnées et exécutées et deux hommes, Parmentier et Brice, qui s’en sortent. La « chasse » commence au mois de juin 1624 et au bout de deux mois les officiers d’Arches avertissent leurs supérieurs à Nancy que leurs « prisonnières à Arches en accusent un grand nombre » et « tellement [qu’ils] ont de la besongne pour plus de demy année » (pc. 27 f°1r.) !

Cette chasse aux sorcières commence d’une manière fort inhabituelle. En effet Chrétienne Parmentier s’est livrée à la justice le 20 juin 1624 en faisant des déclarations folles. Elle a été renvoyée libre puis arrêtée le 25 juin et le prévôt a commencé son interrogatoire le 26 en lui demandant « Si depuis qu’elle a eu confessé au s[ieu]r substitut » le diable lui a parlé. Elle répond oui – et déjà on se demande si elle comprend bien ce qu’on lui demande et fait raconter, car « le diable » n’est pas un concept bien clair. Les gens de justice semblent d’abord hésitants à son égard. Des gens plus raisonnables auraient peut-être orienté l’affaire vers la folie. Ceux qui ont vu cette affaire leur arriver, ont préféré lui donner un tout autre développement. L’ordre des actes n’est pas habituel non plus, puisqu’il y a une « confession volontaire » (1-2) puis deux interrogatoires les 26 juin (1-3) et premier juillet (1-4) avant de réaliser une « information » secrète ou enquête criminelle les 15 et 19 juillet seulement (1-7). Ensuite, le déroulement jusqu’à l’exécution est sans surprise. Mais il y a eu des incohérences dans l’attitude et dans les déclarations de la jeune femme. Quelquefois elle semble connaître et avoir accepté son sort. Mais à d’autres moments elle ne se voit peut-être pas perdue. Interrogée le 26 juin « si elle soustiendroit [ses accusations] à ceux et celles qu’elle a dénoncés » elle répond « qu’ouy » mais elle ajoute qu’elle a peur de son oncle George, précisant qu’elle ne voudrait pas, par la suite, le rencontrer « par les chemins » (pc. A f°4v.) comme s’il pouvait être question de la libérer !

Le deuxième et le troisième procès sont dans les règles puisque les requises du substitut du procureur sont suivies par une information avant d’auditionner le prévenu. Le caractère « secret » de l’information consiste à faire venir un par un les déposants, les écouter et faire enregistrer leurs dires par le clerc-juré, sans que personne d’autre que les enquêteurs ne connaisse tout ce qui est dit et enregistré par écrit. Ces enquêtes ne sont pas neutres. D’abord, les « témoins » sont choisis par le substitut du procureur. Ensuite, beaucoup des déposants n’ont rien vu et ne font que répéter des rumeurs. Ils dénoncent un comportement général, des manquements aux relations sociales, une parenté indigne, un mauvais « bruit » ou quoi que ce soit qui leur fait conclure qu’un(e) tel(le) n’est pas un homme ou une femme « de bien ». La manière de rédiger les dépositions tend à faire croire que les déposants ne sont pas soumis à des questions particulières. Par exemple « Claude Remy Claude de L’Estraye » est dit « adjuré et enquis sur les vie, fame et déportementz dud[i]t Jean Brice » sans autrement l’orienter (pc. 21 f°1r.1). Une seule intervention du prévôt est manifeste : « Claude Lambert dit Dany [...] dit bien cognoistre lad[i]te Remière [Clément] et ne sçavoir que tout bien en elle. » mais le prévôt lui demande « si elle luy est parente ? » ; ce à quoi elle répond « Qu’ouy, qu’elle est sa cousine » (pc. a f°2v.). Juridiquement, les liens de parentés ne sont pas de nature à invalider un témoignage dans un procès de sorcellerie, mais en pratique le lien réduit la portée du soutien apporté à la prévenue. On soupçonne – et dans d’autres procès que ceux-là, c’est évident – que les enquêteurs orientent les déposants vers ce qu’ils espèrent entendre d’eux. C’est que l’enquête poursuit un but qui est de soutenir l’accusation. D’où l’attention portée aux des déposants qui parlent très exactement des faits ou des suppositions qui ont déterminé l’action judiciaire, qui l’entretiennent et lui donnent davantage d’ampleur. Dans le procès fait à George Parmentier, par exemple une déposante relate un drame dont elle « n’en veut charger personne » mais elle met en avant des indices propres à insinuer le contraire, comme mourir « subitement », être noyé mais « sans avoir esté mouillé » et dire que George Parmentier « estoit seul proche » et qu’il « tenoit led[it] enfant » décédé (pc. 9 f°1v.). Certains déclarent nettement qu’un tel est « réputé pour sorcier ». La justice lorraine de ce temps cherche à établir la preuve des faits criminels mais il lui faut surtout obtenir des accusations convergentes, de la part d’un un nombre suffisant de déposants.

Plus encore, il faut à cette justice l’aveu du prévenu. Ce principe est particulièrement important dans les procès de sorcellerie puisque les faits sont en général impossibles à prouver. Après l’information arrive donc l’interrogatoire qui est conduit à charge pour confirmer l’accusation et non pour éventuellement l’écarter. C’est aussi par calcul que le 9 août est interrogé en premier le petit Jean (3-3) afin d’engranger de quoi accabler sa mère (3-4). Le 12 août, après le deuxième interrogatoire de l’enfant (3-5), Mougeotte cède au prévôt : « A dit : Mon Dieu ! Q[ue] dois je faire, jamais je n’ay fais mal ! » (3-6 et pc. 15 f°1r.). Et plus loin : « Dit qu’il fault bien » qu’elle soit sorcière, vu tout ce qui l’accuse « et après plu[sieu]rs remonstra[n]ce a respondu qu’ouy, [elle a] pris le diable po[ur] son m[aist]re » – déclarations qui sont très satisfaisantes pour le prévôt.

La preuve ultime étant l’aveu, il est souvent associé à l’emploi de la torture dans les procès criminels de ce temps, mais à condition que l’accusation soit suffisamment avancée. En effet, il ne faut pas torturer, faire souffrir et blesser, une personne qui a encore une chance de ne pas être condamnée. Dans les années 1580, on n’hésitait guère. Mais en 1624, la torture n’est utilisée que contre deux prévenues et juste avant leur mise à mort. Sont soumises à la question Chrétienne Parmentier (le 31 juillet 1624) malgré tout ce qu’elle avait librement avoué, puis Mougeotte Colombain (le 16 septembre). Dans les deux cas, ce n’est pas la torture qui a induit les aveux. C’est en effet « par sa confession volontaire » que Chrétienne Parmentier est dès les premiers jours « prévenue de sortilège ». Elle a ensuite varié dans ses dénonciations et la question n’a même pas servi à « purger » cet aspect puisqu’elle avait déjà « déchargé » volontairement plusieurs des personnes qu’elle avait d’abord accusées. Quant aux deux qu’elle a persisté à accuser, George Parmentier et Mougeotte Bourgman, elle l’a fait avant comme après avoir été torturée. L’autre femme torturée, Mougeotte Colombain, se dit innocente au début du procès mais elle a fini par suivre son fils dans ses folles déclarations et par avouer tout ce qu’il fallait pour être condamnée et donc la « question » et les « tourments » ne sont que complémentaires. Elle n’avoue rien de plus sous la torture, et notamment aucune des mauvaises actions que l’on voulait lui faire « confesser ». Remière Clément est plusieurs fois menacée de subir la torture durant le mois de juillet. Elle est sauvée par les deux rétractations de Chrétienne Parmentier et finalement mise hors de cause à la fin août. Quant à Mougeotte Bourgman, George Parmentier, Royne des Tertres et Jean Brice, ils subissent un interrogatoire ou une confrontation mais ils ne sont même pas menacés d’être torturés.

On ne saura jamais si « dans les tourments d’icelle » torture, les prévenus auraient confessé de quoi devenir des coupables. Mais on peut supposer que les mêmes cas, soumis à la justice dans les années 1580, auraient probablement débouché sur des tortures, des supplices répétés autant que de besoin, des aveux de la part de chacun des prévenus et le bûcher pour tous. Dans les années 1620, la machine à produire et détruire des sorcières et des sorciers commence à s’enrayer.

Une poursuite qui tourne court

En 1624 la chasse aux sorcières qui excitait les gens de justice d’Arches s’essouffle et tout spécialement parce qu’elle a visé des hommes et pas n’importe lesquels. Le 19 août est un jour contrasté, durant lequel le prévôt fait à la fois prononcer la relaxe de Remière Clément, sur un quasi-ordre des échevins de Nancy (2-12) et obtient des confirmations lors du troisième interrogatoire de Jean et Mougeotte Colombain (3-8). Mais les prévenus qui lui restent sont des cas difficiles. George Parmentier est un « dominant » du village. L’information du 6 septembre commence durement puisque le prévôt y ajoute un témoignage à charge remontant au 31 juillet (pc. 9 f°1r.). Mais ensuite cette information a peu d’ampleur, avec seulement 8 déposants et des dépositions courtes (5-3). L’audition de George Parmentier le 9 septembre est peu développée (5-4). Royne des Tertres est une forte femme qui ne se démonte pas face aux accusations. Confrontée au petit Jean elle répond « qu’il avoit menty et q[ue] tout le bois de Lorr[ain]e ne la sçauroit faire brusler pour telle » et « qu’elle avoit si peu de peur qu’elle estoit preste d’aller à Plombières » prendre les eaux (pc. 20 f°1r. et pc. 25 f°1v.). Jean Brice est un morceau encore plus gros et c’est lui qui fait changer le cours des choses, à la mi-septembre. À ce moment, le procès de Mougeotte Colombain est terminé après qu’elle a disculpé tous ceux qu’elle avait accusés en suivant les dires de son fils (3-12). Or, une volonté nouvelle d’apaiser les choses avait absolument besoin qu’elle soit éliminée. En effet, c’est seulement une fois Chrétienne, Mougeotte et Jean réduits tous les trois au silence, les deux femmes par leur exécution et le gamin envoyé ailleurs, que la chasse aux sorcières peut prendre un tournant, alors que les officiers d’Arches ne sont plus seuls mais encadrés par un commissaire envoyé par le duc pour soutenir Jean Brice : « le sieur Nicolas Arnoult, con[seill]er d’Estat de S[on] A[ltesse] » (pc. 16 f°1r. et pc. 22 f°1r. et pc. 23 f°1r.)6.

Les procédures commencées en juin 1624 s’arrêtent donc en septembre et en octobre de la même année, après seulement deux bûchers. Les résultats ont dû décevoir les gens de justice d’Arches qui pensaient avoir découvert « un grand nombre, tant hommes que fe[mm]es et petits enfants, voire des familles entières » infectés du crime de sorcellerie (pc. 27 f°1r.). Mais les procès de 1624 ne sont plus comme ceux du XVIe siècle, brutaux et incontrôlés. Ils sont devenus une procédure très encadrée qui a sauvé la plupart des prévenus. En revanche, rien à cette date n’aurait pu sauver la jeune fille qui « librement et ingénuement » était venue confesser des horreurs, ni sauver la mère de l’enfant qui a déposé pire encore que la jeune fille, jusqu’à faire brûler sa propre mère.


 Notes

1. Vosges : ar. Epinal, c. Le Thillot.
2. Arches est aujourd’hui une commune de moins de 2.000 habitants. Vosges : ar. et c. Épinal.
3. Remiremont : Vosges, ar. Epinal, ch.-l. c.
4. Mirecourt : Vosges, ar. Neufchâteau, ch.-l. c. La préposition de était associée à ce que nous avons l’habitude d’appeler aujourd’hui les Vosges.
5. Deux accusées sont torturées le 17 juillet 1629 mais les conclusions du procureur général au bailliage de Vosges (20 juillet) et l’avis des échevins de Nancy (23 juillet) sont que « lesdites prévenues ont suffisamment purgé les charges contre elles » et doivent être « renvoyées jusques à rappel ». Le dernier détail que l’on connaisse est que les prévenues « ont fait [des] protesta[i]ons » dans un acte écrit, probablement pour obtenir une réparation.
6. Ce personnage a été identifié par Antoine Fersing. Il a d’abord été receveur d’Élisabeth Rhingraff, comtesse du Rhin et surtout abbesse de Remiremont. Puis il est fait « secrétaire entrant » du conseil du duc en 1611. Les appellations entre le sommet de la chancellerie et le conseil ducal sont un peu floues puisque l’on trouve parfois des titres comme « conseiller et secrétaire de Son Altesse » qui ne correspondent pas à ce que l’on il ne serait pas exactement conseiller « en titre d’office » mais les gens d’Arches ne doivent pas percevoir la différence et il est reçu comme tel par eux. Arnoult est la voix et la volonté du duc. Cf. Antoine Fersing, Idoines et suffisants. Les officiers d’État et l’extension des droits du Prince en Lorraine ducale du début du XVIe siècle à 1633, thèse soutenue à Strasbourg en 2017 sous la direction du professeur Antoine Follain.

 Citer cette page

Antoine Follain et alii (éd.), « Présentation », dans Une chasse aux sorcières dans la prévôté d’Arches en 1624 (Archives départementales de Meurthe-et-Moselle B 2583), ARCHE UR3400 (Université de Strasbourg) (« TJEM. Textes judiciaires de l'époque Moderne »), 2021, en ligne : <http://num-arche.unistra.fr/tjem/admm_b_2583.xml/presentation>. DOI de l'édition complète : <https://doi.org/10.34931/5d7v-en20> (consulté le 19-04-2024).